La Cour de cassation rappelle au visa de l’article L. 111-10 du code des procédures civiles d’exécution qu’il n’est pas nécessaire de rapporter que le créancier commet une faute en poursuivant l’exécution provisoire d’une décision de justice frappée d’appel, ultérieurement infirmée, pour pouvoir engager sa responsabilité civile.
Arrêt n°843 du 17 septembre 2020 (19-17.721) – Cour de cassation – Deuxième chambre civile -ECLI:FR:CCAS:2020:C200843
PROCÉDURES CIVILES D’EXÉCUTION
Cassation
Demandeur(s) : M. A… X…
Défendeur(s) : M. B… Y…
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 12 mai 2016, pourvoi n° 15-18.052), M. X… a été condamné, le 3 avril 2006, par un jugement assorti de l’exécution provisoire, à payer une certaine somme à M. Y…, qui a fait procéder à la saisie d’un véhicule automobile appartenant à M. X…, le 12 septembre 2006. Ce jugement a été confirmé par l’arrêt d’une cour d’appel du 23 février 2010.
2. Par jugement du 2 septembre 2007, assorti de l’exécution provisoire, un juge de l’exécution a rejeté la demande de mainlevée de la mesure d’exécution formée par M. X…, qui soutenait que le véhicule saisi, nécessaire à son activité professionnelle, était insaisissable.
3. Ce jugement a été infirmé par un arrêt du 29 juin 2009, qui a ordonné la mainlevée de la saisie.
4. Le véhicule ayant, entre-temps, été vendu aux enchères publiques, M. X… a saisi un tribunal de grande instance aux fins d’indemnisation de divers préjudices. L’arrêt de la cour d’appel qui avait accueilli partiellement ces demandes a été cassé en toutes ses dispositions, au visa de l’article 12, alinéa 1er, du code de procédure civile, la cour d’appel n’ayant pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, faute d’avoir précisé le fondement juridique de sa décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. X… fait grief à l’arrêt d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions au fond et, statuant à nouveau, de dire qu’il ne rapporte pas la preuve d’une faute de M. Y… et de rejeter toutes ses demandes en paiement, alors « que l’exécution d’un jugement assorti de l’exécution provisoire n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui d’en réparer, en cas d’infirmation de la décision exécutée, les conséquences dommageables sans qu’il soit nécessaire de relever une faute à son encontre ; qu’en déboutant M. X… de ses prétentions indemnitaires découlant de l’exécution provisoire du jugement rendu par le juge de l’exécution en date du 2 août 2007, infirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Colmar en date du 19 juin 2009, en relevant que la preuve ne serait pas rapportée que M. Y… aurait commis une faute en poursuivant l’exécution provisoire d’une décision de justice, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée de l’article L. 111-10 du code des procédures civiles d’exécution, ensemble l’article 1382 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 111-10 du code des procédures civiles d’exécution :
6. Selon cet article, sous réserve des dispositions de l’article L. 311-4 du même code, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire à titre provisoire. Elle n’a lieu qu’aux risques de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d’en réparer les conséquences dommageables et de rétablir ainsi le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent.
7. Pour infirmer le jugement en toutes ses dispositions au fond et rejeter toutes les demandes en paiement de M. X… dirigées contre M. Y…, l’arrêt retient qu’il ne rapporte pas la preuve d’une faute de ce dernier.
8. En statuant ainsi, en se fondant sur le fait que la preuve ne serait pas rapportée que M. Y… aurait commis une faute en poursuivant l’exécution provisoire d’une décision de justice, alors qu’il avait poursuivi l’exécution de la saisie jusqu’à son terme, à ses risques, quand bien même un appel avait été exercé contre le jugement, exécutoire par provision, qui avait rejeté la contestation de la saisie formée par le débiteur et ordonné la mainlevée de la saisie avait été ordonnée, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 13 novembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée ;
Président : M. Pireyre
Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger
Avocat général : M. Girard
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel – SCP Lyon-Caen et Thiriez
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