Les locataires qui ont pris seuls l’initiative de faire intervenir un huissier sans avoir sollicité l’établissement d’un état des lieux contradictoire de façon amiable ne  peuvent en réclamer le remboursement

Cour d’appel d’Orléans, Chambre des urgences, 25 avril 2018, n° 17/01591

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE DES URGENCES

Z A + EXPÉDITIONS :

Me Estelle GARNIER

SCP DUBOSC-SAUTROT

ARRÊT du : 25 AVRIL 2018

N° : 215/18 N° RG : 17/01591

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement du Tribunal d’Instance de MONTARGIS en date du 21 Avril 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS : Timbre fiscaL dématérialisé n°: exonération

Monsieur B X

[…]

représenté par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d’ORLÉANS

bénéficie d’une aide juridictionnelle totale n° 2017/003820 du 19/06/2017 accordée par le bureau d’aide

juridictionnelle d’Orléans

Madame C D épouse X

[…]

représentée par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d’ORLÉANS

bénéficie d’une aide juridictionnelle totale n° 2017/004145 du 19/06/2017 accordée par le bureau d’aide

juridictionnelle d’Orléans

INTIMÉ : Timbre fiscal dématérialisé n°:1265 2096 3182 7512

Monsieur E F

[…]

représenté par Me Charles-françois DUBOSC de la SCP DUBOSC-SAUTROT, avocats au barreau de MONTARGIS, non présent à l’audience

D’AUTRE PART

‘ Déclaration d’appel en date du 24 mai 2017

‘ Ordonnance de clôture du 27 février 2018

Lors des débats : à l’audience publique du 14 mars 2018, Madame Elisabeth HOURS, conseiller faisant fonction de président de chambre selon ordonnance de roulement n°200/17 en date du 13 février 2017 portant sur l’organisation du service à compter du 8 janvier 2018, magistrat rapporteur

qui en a rendu compte à la collégialité, a été entendue en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries avec leur accord, par application des articles 786 et 910 du code de procédure civile ;

Lors du délibéré :

— Madame Elisabeth HOURS, conseiller faisant fonction de président de chambre, magistrat rapporteur qui en a rendu compte à la collégialité,

— Monsieur Michel Louis BLANC, président de chambre,

— Monsieur Jean-Louis BERSCH, conseiller,

Greffier : Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier lors des débats et du prononcé ;

Arrêt : prononcé le 25 avril 2018 par mise à la disposition des parties au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Selon acte sous-seing privé du 5 décembre 2014, E F consentait à B X et C X un bail d’habitation pour un immeuble […] à Montargis, moyennant paiement d’un loyer mensuel de 550 €.

B X et C X quittaient les lieux le 31 juillet 2015 et le bail était résilié ; un constat d’état des lieux de sortie était établi à cette date par huissier de justice.

Par lettre recommandée en date 25 août 2015, les anciens locataires demandaient à E F la restitution du dépôt de garantie.

Par acte en date du 26 septembre 2016, B X et C X faisaient assigner E F devant le tribunal d’instance de Montargis aux fins de voir constater que le bail du

5 décembre 2014 aurait été consenti en violation des dispositions donc publiques de la loi du 6 juillet 1989, de voir dire nul et de nul effet, et d’entendre condamner E F à leur payer la somme de 100 € de majoration de loyer indue, la somme de 550 € au titre du dépôt de garantie, la somme de 201,96 € au titre de la facture du 7 août 2015 et la somme de 4400 € à titre de dommages-intérêts pour avoir vécu avec quatre enfants dans un logement indécent.

Une demande reconventionnelle été formée par E F, qui sollicitait l’allocation d’un arriéré de loyer et le coût des travaux de réfection.

Par un jugement en date du 21 avril 2017, le tribunal d’instance de Montargis déboutait B X et C X de l’ensemble de leurs demandes, et les condamnait à payer à E F la somme de 1360 € au titre des loyers impayés des réparations locatives et la somme de 300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par une déclaration en date du 24 mai 2017, B X et C X en interjetaient appel.

Par leurs dernières conclusions en date du 12 février 2018, ils demandent à la cour de prononcer la nullité du bail, prétendant avoir été victime d’un dol, au motif que la consistance de la chose louée

n’était pas définie au bail ni la surface, que le dossier technique immobilier ne leur aurait pas été remis et qu’aucun état des lieux véritablement contradictoire n’aurait été établi. Ils précisent que la surface du logement était de 48,60 m² alors que le bail mentionne 70 m².

À titre subsidiaire, ils demandent la réfaction du montant du loyer en proportion de la surface, et sa réduction à 382,64 € par mois.

Prétendant que E F n’aurait accompli aucun travaux au cours du bail, les appelants demandent la restitution de la somme de 100 € versée en application d’une clause du bail prévoyant une majoration de loyer pendant un mois du fait de la réalisation des travaux.

Ils invoquent les manquements graves du propriétaire à ses obligations relativement à la décence du logement et s’estiment dispensés de préavis. Ils estiment avoir subi un préjudice de jouissance pour lequel ils sollicitent le remboursement intégral des loyers payés, soit 4400 € (550 € sur huit mois).

Par ses dernières conclusions en date du 5 février 2018, E F demande la confirmation du jugement entrepris, et à titre subsidiaire invoque l’irrecevabilité de la demande nouvelle tendant à la réfaction du montant du loyer.

À titre subsidiaire il réclame une indemnité d’occupation égale à la valeur locative fixée par le contrat de bail, soit 4400 €. Il demande en outre l’allocation de la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture était rendue le 27 février 2018.

SUR QUOI :

Attendu que les appelants relèvent que le premier juge a constaté que E F produisait un état des lieux d’entrée détaillant l’ensemble des équipements de logement en annexe du bail, signé par les parties, alors que les époux X indiquaient n’avoir reçu de sa part qu’une copie tronquée du bail et de l’état des lieux, produisant une copie de l’état des lieux différent de celui produit par le bailleur, en ce que les cases afférentes à l’état des murs, sol, menuiseries et électricité étaient vierges sur l’exemplaire du locataire, et qu’il avait considéré en conséquence que E F avait, le falsifiant, rajouté ces mentions postérieurement et de manière non contradictoire ;

Que les époux X invoquent cet attendu en dehors de son contexte, puisqu’il vise à motiver la décision du tribunal relativement aux comptes entre les parties relativement aux travaux de réfection nécessaires, et non dans sa motivation relativement à la nullité du bail ;

Qu’il y a lieu d’observer que les époux X avaient visité le bien avant de signer le bail, et que les défauts qu’ils invoquent étaient manifestement apparents, même pour une personne non avertie ;

Qu’il ne peut être fait état d’aucune tromperie de la part du propriétaire, les motifs développés par le premier juge pour écarter la demande d’annulation du bail, et que les époux X ne contestent pas expressément, étant pertinents et adoptés ;

Qu’il y sera ajouté, s’agissant de la surface du logement, que les époux X se sont soigneusement abstenus d’utiliser la procédure prévue par l’article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989, puisqu’ils n’ont adressé aucune réclamation à leur propriétaire qui aurait alors disposé d’un délai de deux mois pour leur proposer une solution, faute de quoi ils disposaient eux-mêmes d’un délai de quatre mois pour saisir la juridiction compétente ;

Attendu que le jugement querellé devra être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande relative à la nullité alléguée du bail ;

Attendu, ainsi que l’expose l’intimé, que la demande tendant à la réfaction du loyer, formulée à titre subsidiaire en appel, ne l’avait pas été devant le premier juge, alors qu’il est sollicité à titre principal à remboursement de l’ensemble des sommes versées au titre des loyers pendant l’ensemble de l’occupation par les époux X ;

Qu’il ne s’agit pas de l’explicitation de prétentions virtuellement comprises dans les demandes soumises au premier juge au sens de l’article 566 du code de procédure civile ;

Que, comme est nouvelle, par rapport à la demande en nullité d’une vente, la demande subsidiaire formée en appel en déduction du prix, et, alors que la demande formée devant le premier juge tendait à l’annulation du bail pour dol et au remboursement intégral des sommes qui avaient été versées au propriétaire, la demande de réfaction du loyer est une demande nouvelle et doit donc être déclarée irrecevable en application de l’article 564 du code de procédure civile, les époux X ne pouvant se prévaloir des dispositions de l’article 565 du même code ;

Attendu, s’agissant de la clause de majoration de loyer de 100 € pendant un mois du fait de la réalisation de travaux par le bailleur, au titre de laquelle les époux X demandent l’allocation de la somme de 100 €, il apparaît que cette majoration ne leur a visiblement jamais été réclamée, et qu’ils ne démontrent pas par ailleurs qu’ils auraient payé cette somme à E F ;

Qu’il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande ;

Attendu que le premier juge, pour prononcer comme il l’a fait sur la validité du congé, s’est fondé sur le fait que les époux X avaient donné congé le 29 juin 2015 pour la fin du mois de juillet ou la mi-août 2015, mais qu’ils ne l’avaient justifié, ni lors de l’envoi de leur préavis, ni lors de l’audience de l’attribution d’un logement locatif conventionné ;

Qu’ils ont invoqué devant le tribunal d’instance la possibilité de bénéficier d’un délai réduit à un mois à la suite de l’attribution d’un logement défini à l’article L.351’2 du code de la construction et de l’habitation, prétendant en rapporter aujourd’hui à la preuve, et ajoutant que l’indécence du logement les autoriserait à le quitter sans délai ;

Que ce dernier argument n’avait pas été invoqué devant le premier juge ;

Que l’imprécision concernant leur date de départ, dont ils indiquaient au propriétaire qu’il pourrait intervenir après l’expiration d’un délai d’un mois montre, en envisageant un départ prévisible au-

delà de l’expiration du délai abrégé d’un mois, qu’ils se disposaient à entamer le délai de trois mois, dont E F peut donc aujourd’hui légitimement se prévaloir puisqu’il ne pouvait disposer de l’immeuble avant la fin du mois de septembre 2015 ;

Que le jugement querellé sera donc confirmé sur ce point ;

Attendu que le premier juge a passé en revue, de façon minutieuse, l’ensemble des travaux de réparation allégués ;

Que les époux X se limitent à contester la réalité des factures, expliquant que l’une a été établie six jours après l’état des lieux, et qu’elle a été établie par une société qui a été placée trois mois plus tard en redressement judiciaire, ce qui n’est pas de nature à en établir la fausseté, pas plus que leurs contestations relatives aux dimensions et au taux de TVA ;

Que le jugement sera également confirmé sur cette question ;

Attendu que le remboursement du constat d’état des lieux de sortie avait été réclamé devant le

tribunal d’instance qui, ne l’a pas accordé ;

Que les preneurs ont manifestement pris seuls l’initiative de faire intervenir un huissier sans avoir sollicité l’établissement d’un état des lieux contradictoire de façon amiable, et alors que le bail ne comporte aucune disposition prévoyant le partage de frais éventuels exposés pour faire établir un constat d’ huissier ;

Qu’il ne peut être fait droit à la demande formée en ce sens ;

Attendu en définitive que le jugement querellé sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de E F l’intégralité des sommes que cette partie a dû exposer du fait de la présente procédure ; qu’il échet de faire application de l’article 700 du code de procédure civile et de lui allouer à ce titre la somme de 2000 € ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE B X et C X à payer à E F la somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE B X et C X aux dépens.

Arrêt signé par Monsieur Michel Louis BLANC, président de chambre, et Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,