Le formalisme excessif en procédure civile
Ces dernières années ont vu se multiplier les condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en matière de procédure civile pour formalisme excessif. Cette évolution s’inscrit dans le contrôle exercé par les juges de Strasbourg pour assurer le respect de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, garantissant le droit à un procès équitable.
Qu’est-ce que le formalisme excessif ?
Le formalisme est inhérent aux règles de procédure civile. L’introduction d’une action en justice repose sur la réalisation d’un certain nombre d’actes, conformément aux textes du code de procédure civile. Ce formalisme est protecteur des droits des justiciables, assurant une sécurité juridique et les garanties d’un procès équitable.
Cependant, le formalisme ne doit pas devenir un but en soi, mais un moyen de conduire la procédure dans le respect des principes fondamentaux du procès. Il doit être appliqué dans sa stricte nécessité et proportionné au but visé.
Le formalisme excessif se manifeste lorsque les exigences formelles dépassent ce qui est nécessaire et raisonnable, entravant ainsi l’accès à la justice.
Exemples de formalisme excessif
- Exigences de forme trop strictes:
- Déclarer irrecevable un appel pour une erreur matérielle dans l’en-tête des conclusions (2e Civ., 3 octobre 2024).
- Considérer que l’absence de mention expresse des chefs du dispositif du jugement dans la déclaration d’appel entraîne l’absence d’effet dévolutif de l’appel, alors que ces chefs sont clairement identifiables (2e Civ., 16 janvier 2025).
- Sanctionner par la caducité de la déclaration d’appel l’absence de renvoi à l’annexe comportant les chefs de jugement critiqués (2e Civ., 7 mars 2024, 2 mai 2024).
- Délais trop courts ou rigides:
- Ne pas tenir compte de l’impossibilité matérielle pour un avocat de transmettre ses conclusions par voie électronique en raison de problèmes techniques (2e Civ., 4 juillet 2024).
- Faire courir le délai d’appel d’une ordonnance rejetant une requête à la date de son prononcé, sans tenir compte de la difficulté pour le requérant d’en avoir connaissance (2e Civ., 28 mars 2024).
- Sanctions disproportionnées:
- Déclarer irrecevable un appel en raison du non-respect d’une exigence de forme mineure, alors que l’objectif de cette exigence est atteint par d’autres moyens.
Contrôle de proportionnalité
La Cour de cassation exerce un contrôle de proportionnalité pour vérifier si une exigence formelle est excessive au regard du droit d’accès à la justice. Ce contrôle peut être exercé in abstracto (en examinant la règle dans son ensemble) ou in concreto (en l’appliquant aux circonstances particulières de l’affaire).
Évolution de la jurisprudence
La jurisprudence de la CEDH et de la Cour de cassation évolue vers une plus grande prise en compte du droit d’accès à la justice et une limitation du formalisme excessif. Le décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023, qui assouplit le formalisme de la déclaration d’appel, témoigne de cette évolution.
Conclusion
Le formalisme excessif constitue un obstacle à l’accès à la justice. Les juges ont un rôle essentiel à jouer dans ce domaine, en veillant à ce que les règles de procédure soient appliquées de manière proportionnée et raisonnable, sans sacrifier les droits des justiciables.
Pages de la Cour de cassation :