Source CNCJ 17 novembre 2020

La loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire  a été publiée au Journal officiel du 15 novembre 2020. Ce texte prolonge notamment l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 et le régime transitoire qui organise la sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er avril 2021.

Il habilite également le Gouvernement à adopter par voie d’ordonnance des mesures tendant à prolonger, rétablir ou adapter certaines dispositions qui avaient été elles-mêmes adoptées précédemment par voie d’ordonnance, afin de limiter les conséquences de la crise sanitaire.

L’article 14 de la nouvelle loi intéresse plus directement l’activité de la profession. Cet article reprend, en le complétant, le dispositif qui était déjà prévu par l’article 4 de l’ordonnance n° 20202-316 du 25 mars 2020 (resté en vigueur jusqu’à la fin de la période protégée mise en place à l’occasion du premier confinement),  afin de protéger les petits acteurs économiques affectés par la crise contre toute sanction liée à un retard de paiement ou au non-paiement de leurs loyers.

Article 14 :

I. – Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire ou du 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu’elle est prise par le représentant de l’Etat dans le département en application du second alinéa du I de l’article L. 3131-17 du même code. Les critères d’éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.
II. – Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.

Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en œuvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires.

Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.
III. – Le II ne fait pas obstacle à la compensation au sens de l’article 1347 du code civil.
IV. – Le II s’applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l’activité de l’entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.

Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu’à compter de l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du II.

En outre, les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu’à la date mentionnée au même premier alinéa.

[…] VII. – Le présent article s’applique à compter du 17 octobre 2020.

VIII. – Le présent article est applicable à Wallis-et-Futuna.

La présente note a pour finalité de préciser le champ d’intervention de cette nouvelle disposition. Même si le décret d’application qui en précisera la mise en œuvre n’est pas encore paru, il convient en effet de prendre les mesures de précautions pour l’exécution à l’encore des acteurs économiques qui peuvent être affectés par le dispositif.

1.      Acteurs économiques concernés.

Sont visées “les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative” prise en application, depuis le 17 octobre dernier (date du début du couvre-feu dans certaines régions) :

– soit du régime de l’état d’urgence sanitaire inscrit dans le code de la santé publique ;

– soit du régime transitoire prévu par la loi du 9 juillet 2020.

Un décret doit intervenir afin de préciser les conditions auxquelles ces entreprises devraient satisfaire pour bénéficier de la protection offerte par l’article 14. Ce décret précisera le seuil en matière d’effectifs, de chiffre d’affaires et de seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.

2.      Dettes concernées.

Le dispositif protège ces acteurs contre le “retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux” et dus à compter du 17 octobre.

Il faut préciser toutefois que le dispositif prévu à l’article 14 de la loi ne suspend pas les loyers dus par les acteurs économiques concernés (qui pourront donc continuer à les payer valablement).

3.      Mécanisme de protection mis en place.

Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par la mesure de police administratives, ces acteurs économiques ne pourront « encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée ».

4.      Conséquences sur le recouvrement en général et sur les procédures civiles d’exécution en particulier.

Seront donc suspendus et interdit de mise en œuvre :

– les sanctions prévues éventuellement au contrat (clause pénale, clause résolutoire) ;

– la mise en demeure de payer faisant courir les intérêts moratoires ;

– la résiliation unilatérale ou judiciaire du bail ;

– les voies d’exécution forcée contre les biens des preneurs ;

– les mesures conservatoires ;

– les sûretés réelles (gage, nantissement…) ou personnelles (cautionnement même solidaire, garantie autonome…) garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ;

– toute action en responsabilité contractuelle.

En outre, les procédures d’exécution qui auraient déjà été engagées par le bailleur pour non-paiement de loyers antérieurs à la période où leur activité est affectée par une mesure de police sanitaire, ou antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi sont également suspendues.

En pratique :

–          Les loyers et charges exigibles « protégées » sont celles des acteurs économiques protégés, à partir du 17 octobre. La liste des acteurs économiques protégés sera définie par décret ;

–          Pour ces « dettes protégées » :

·     les mesures d’exécution forcée sont suspendues, ainsi que celle qui auraient été prises depuis le 17 octobre et qui n’ont pas déjà produit leurs effets; ne sont donc pas remises en cause les mesures d’exécution forcée ayant déjà produit leurs effets, notamment les saisies-attributions à exécution successive qui ont déjà produit leur effet attributif immédiat ;

·     les mesures d’exécution forcées pourront reprendre deux mois après la fin de la mesure de police affectant l’acteur économique protégé (ex. : fermeture du commerce par exemple) ;

·     en revanche, pendant toute la période, les loyers et charges échus pourront être compensés avec une dette du bailleur, dans les conditions fixées par les articles 1347 et s. du Code civil ;

·     l’exigibilité des loyers et des charges n’est pas suspendue : les preneurs peuvent valablement continuer à les payer ;

·     les mesures de recouvrement amiable restent également autorisées. Il est ainsi tout à fait possible pour les huissiers de justice de convenir avec les débiteurs d’échéanciers permettant d’apurer leurs dettes afin d’éviter la mise en œuvre des mesures d’exécution forcées qui pourront reprendre sur l’ensemble des échéances non payées deux mois après l’expiration des mesures de police.

5.      Date d’entrée en vigueur du texte.

La loi est d’application immédiate, et s’applique aux loyers s’applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l’activité de l’entreprise est affectée par une mesure de police, c’est-à-dire à partir du 17 octobre (date du début du couvre-feu). Ce texte est donc d’une portée rétroactive, pour les mesures d’exécution qui n’ont pas encore été mises en œuvre ou qui n’ont pas produit leurs effets.

6.      Débats parlementaires.

Pendant les débats parlementaires, le Sénat avait proposé de trouver un compromis entre la nécessaire protection des acteurs économiques les plus fragiles et les droits du bailleurs, notamment particuliers, par la possibilité d’adopter des mesures conservatoires sur autorisation du juge, tant en première lecture (amendement n° 61) qu‘en deuxième lecture (amendement  n° 19)  Tel n’a pas été la solution retenue en dernière lecture par l’Assemblée nationale et validée par le Conseil constitutionnel.

PROJET DE LOI

ADOPTÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE
EN NOUVELLE LECTURE,

autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire,

 

Article 6

I. – Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire ou du 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu’elle est prise par le représentant de l’État dans le département en application du second alinéa du I de l’article L. 3131-17 du même code. Les critères d’éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.

II. – Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.
Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en œuvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires.
Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.