L’autorité de la concurrence a rendu un avis (consulter ici l’avis du 2 décembre 2019 Numéro 19-A-16 du 02 décembre 2019) faisant un état des lieux précis de la profession d’huissier de justice.
Vous trouverez ci aprés un extrait :
PRESENTATION GENERALE DE LA PROFESSION
Au 1er septembre 2019, d’après les données communiquées par la section des huissiers de justice de la Chambre Nationale des Commissaires de Justice (« CNCJ »), la France compte 3 184 huissiers de justice (2 941 huissiers de justice libéraux et 243 huissiers de justice salariés), répartis en 1 679 offices.
LA PROFESSION D’HUISSIER DE JUSTICE
Les huissiers de justice sont des officiers publics et ministériels nommés par le garde des Sceaux, ministre de la Justice (voir notamment l’avis de l’Autorité n° 16-A-25 du 20 décembre 2016 relatif à un projet de décret modifiant certaines dispositions du titre IV bis du livre IV de la partie réglementaire du code de commerce, paragraphes 8 et suivants).
Ils bénéficient d’un monopole pour signifier des actes de procédure et pour l’exécution
forcée des décisions de justice et des actes et titres exécutoires.
Ils peuvent exercer les fonctions d’huissier-audiencier près les cours et tribunaux.
Depuis le 1er janvier 2017, la compétence territoriale des huissiers de justice pour ces activités s’exerce dans le ressort de la cour d’appel au sein duquel ils ont établi leur résidence professionnelle.
En outre, les huissiers de justice peuvent exercer des activités en concurrence avec d’autres professionnels, notamment le recouvrement amiable de toutes créances. Ils peuvent procéder à des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et, dans les lieux où il n’est pas établi de commissaires-priseurs judiciaires, aux prisées et ventes publiques judiciaires de biens meubles. Ils peuvent également effectuer des constats et des mesures conservatoires
après l’ouverture d’une succession.
Pour ces activités, leur compétence territoriale est nationale.
LES MODIFICATIONS DU REGIME JURIDIQUE APPLICABLE AUX HUISSIERS DE JUSTICE
INTERVENUES DEPUIS LE PRECEDENT AVIS
Plusieurs textes ont récemment modifié ou précisé le régime juridique applicable aux huissiers de justice, notamment concernant l’étendue de leur compétence territoriale (a), les règles de nomination dans les sociétés titulaires de plusieurs offices (b), les règles encadrant la communication des officiers publics ou ministériels (c) et les règles déontologiques de la profession (d).
a) La modification de la compétence territoriale des huissiers de justice
En vertu du décret n° 2016-1875 du 26 décembre 2016, pris en application de l’article 54 de la loi du 6 août 2015, la compétence territoriale des huissiers de justice est nationale pour les activités qu’ils exercent en concurrence avec d’autres professionnels et est élargie au ressort de la cour d’appel au sein duquel ils ont établi leur résidence professionnelle, pour leurs activités monopolistiques.
En revanche, l’obligation d’instrumenter des huissiers de justice est limitée au ressort du ou des tribunaux de grande instance ayant leur siège dans le département où ils sont établis.
b) Les règles de nomination dans les sociétés titulaires de plusieurs offices
Le décret n° 2017-895 du 6 mai 201713 précise certaines règles de nomination d’une personne morale et de ses associés dans un office public et ministériel :
– une société ne peut être nommée dans plusieurs offices d’une même profession que si, dans chacun des offices, au moins un associé exerçant sa profession d’officier public ou ministériel au sein de cette société est nommé pour y exercer, afin qu’aucun office ne soit dépourvu d’associé exerçant ;
– chacun des associés est nommé pour exercer dans un seul office ;
– la nomination d’un associé pour exercer dans un autre office dont est titulaire la société, met fin à ses fonctions dans le précédent office.
c) La sollicitation personnalisée et la proposition de services en ligne
La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 201614 a autorisé les huissiers de justice à recourir à la sollicitation personnalisée, notamment par voie numérique, et à proposer des services en ligne. Pris en application de ces dispositions, le décret n° 2019-257 du 29 mars 2019 relatif aux officiers publics ou ministériels encadre l’extension des modes de communication auxquels ces professionnels peuvent recourir. Ce texte n’a pas été précédé de la consultation
de l’Autorité prévue à l’article L. 462-2 du code de commerce.
Ce décret remplace le chapitre Ier du titre II du décret du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics et ministériels. Le titre II du décret de 1973, intitulé « Dispositions diverses », comporte notamment un chapitre I er consacré désormais à la « sollicitation personnalisée ». Les articles 42 à 44 du décret ainsi modifié définissent le nouveau régime applicable.
L’article 42 impose, pour toute sollicitation personnalisée ou proposition de services en ligne, « une information sincère sur la nature des prestations de services proposées par (…) les huissiers de justice (…) et leur mise en œuvre respecte les règles déontologiques applicables à la profession, notamment les principes de dignité, de loyauté, de confraternité et de délicatesse ». En outre, ces informations doivent exclure « tout élément comparatif ou dénigrant ».
Les nouvelles dispositions définissent ainsi les formes de la sollicitation personnalisée, qui ne peut être effectuée que « sous la forme d’un envoi postal ou d’un courrier électronique adressé à une personne physique ou morale déterminée, destinataire de l’offre de service ». Est exclu le démarchage physique et téléphonique ou en rapport avec une affaire particulière.
En outre, l’instance professionnelle nationale peut prévoir, dans le règlement déontologique de la profession, une obligation de l’informer lorsque les professionnels ouvrent ou modifient substantiellement un site internet en vue de proposer leurs services.
L’offre de services en ligne est également encadrée concernant les noms de domaine, qui ne doivent pas évoquer de façon générique le titre de la profession ou un titre pouvant prêter à confusion, un domaine du droit ou une activité relevant de celles de la profession. Enfin, les sites internet « ne peuvent comporter aucun encart ou bannière publicitaire, autres que ceux de la ou des professions exercées, pour quelque produit ou service que ce soit ».
Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, art. 3, III.
Cet article dispose que « l’Autorité est obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : 1° De soumettre l’exercice d’une profession ou l’accès à un marché à des restrictions quantitatives ; 2° D’établir des droits exclusifs dans
certaines zones ; 3° D’imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente ».
L’Autorité a ainsi été préalablement consultée pour l’adoption de textes encadrant la publicité de certaines professions de santé (avis n°17-A-10 du 16 juin 2017 relatif à un projet de décret portant code de déontologie des pharmaciens et modifiant le code de la santé publique ; Avis n° 16-A-11 du 11 mai 2016 relatif à un projet de décret portant code de déontologie des infirmiers).
d) L’adoption du règlement déontologique national des huissiers de justice
Un arrêté du 18 décembre 2018 de la ministre de la Justice a approuvé le règlement déontologique national des huissiers de justice, tel qu’adopté par l’assemblée générale de la Chambre nationale des huissiers de justice lors de sa délibération du 5 décembre 2018.
Le règlement énonce les règles professionnelles que les huissiers de justice doivent respecter. La méconnaissance des règles qui y sont définies constitue une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire en vertu de l’article 2 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 194520.
Outre le rappel des principes fondamentaux de la profession, tels que l’indépendance, la probité ou le respect du secret professionnel, le règlement déontologique précise notamment les règles relatives à la communication des huissiers de justice. Il réserve ainsi aux institutions représentatives de la profession le droit de faire de la publicité « fonctionnelle », destinée à faire connaître la profession d’huissier de justice. Il limite la communication que
peuvent faire les huissiers de justice aux informations professionnelles qu’ils peuvent afficher, limitativement énumérées, et à la sollicitation personnalisée, qui leur permet de promouvoir leurs services à l’attention d’une personne physique ou morale déterminée, dans les conditions prévues par le décret du 29 mars 2019).